PORTRAIT - Marc Frohn, l’un des rares sculpteurs sur bois d'Alsace - DNA - 19 février 2024

Sculpteur marc frohn

Propos recueillis par Achille Herry - DNA

Dans son atelier à Hohwiller, Marc Frohn, 59 ans, façonne le bois depuis quarante ans dans la tradition de l’ornementation française. L’Alsacien aime le bois, doux au toucher, dur à la tâche, superbe avec ses grains différents, sa composition et ses lignes. Il est l’un des rares sculpteurs sur bois de la région. Rencontre.

À l’arrière de son jardin, dans son atelier à Hohwiller, règne une ambiance chaleureuse. Une odeur de bois qui s’immisce directement dans les narines. De la sciure et des copeaux par-ci, par-là. Des machines pour couper, des outils pour sculpter et tailler. Marc Frohn, sculpteur sur bois, fête les 40 ans de son entreprise cette année. Il s’est spécialisé dans la sculpture dite de « style » dans la tradition de l’ornementation française mais réalise aussi des créations contemporaines.

Une carrière toute tracée

L’homme entretient depuis son adolescence un rapport charnel avec le bois – au contact de ce matériau « vivant ». Un brin timide, il apprend la tempérance et la patience. « J’avais neuf ans quand j’ai su que je voulais faire ce métier, se souvient-il.

J’ai vu un sculpteur sur une foire qui sortait une fleur d’un bout de bois. Cette image m’est restée. »

Fort de cette vocation, il rejoint un lycée dans les Vosges pour y suivre la formation de sculpteur. « Chaque jour, quand je travaille, je pense à mes professeurs et à tout ce savoir qu’ils m’ont transmis. »

Guérir, sublimer, redonner vie aux œuvres du passé, telles seront les tâches qui animeront son quotidien, sans que ne poignent des poussées créatives trop invasives. « Les artistes sont dans les musées. Moi, je suis un artisan d’art. Ce que je fais, c’est de la copie. Je reproduis la pièce à l’identique dans le moindre détail », insiste-t-il.

« Ça fait mal dans les bras, on tape dans le bois, on pousse dedans »

À 59 ans, ses mains sont abîmées, marquées par des heures de travail devant l’établi, mais sa passion est intacte et il n’envisage pas encore la retraite. « Je passe 10 h par jour debout avec un marteau qui fait 800 grammes. Ça fait mal dans les bras, on tape dans le bois, on pousse dedans. » L’engagement est physique. Il aime surtout travailler le chêne. « C’est un bois dur qui résiste et une fois patiné, il est magnifique. »

Avant de taper dans la matière, l’Alsacien dessine, puis passe au modelage. « Mon métier est varié, tous les deux jours je fais autre chose. Je travaille tous les styles, du Moyen-Âge jusqu’à nos jours, et uniquement sur commande. » L’ornement de départs d’escalier, de boiseries, de statues, de crosses de fusil de chasse, de portes, de meubles, d’instruments de musique, d’orgues… « J’ai aussi des commandes pour des décors haut de gamme pour Europapark. Je fais de l’agencement et de la décoration intérieure. Je reproduis des petits Versailles avec des consoles, des miroirs et des chaises sculptés pour des particuliers. »

La distinction suprême de Meilleur Ouvrier de France en 2011

Marc Frohn travaille en collaboration avec des architectes d’intérieur, des ébénistes, des facteurs d’orgue et des conservateurs du patrimoine. « Il n’y a pas de limites. C’est du sur-mesure à chaque fois. »

Fin des années 1990, il sent le vent tourner avec l’arrivée des géants de l’ameublement comme Ikea et ses meubles en plastique. Fini les meubles en bois massif dans les maisons, fini les grandes armoires en chêne ou en merisier. Le contemporain, le design et le béton prennent toute la place.

« Je me suis alors orienté vers le monde de la musique et des églises, j’ai enchaîné les reproductions d’instruments et les ornements de buffets d’orgues. C’était un gros changement. »

Pari gagnant puisqu’en 2011, il obtient la distinction suprême, le titre de Meilleur Ouvrier de France. « C’est une très belle carte de visite », continue-t-il, sourire aux lèvres.

Marc Frohn enseigne aussi à l’Université populaire européenne (UPE) à Haguenau pour s’échapper de son atelier, et rencontrer des personnes avec lesquelles il peut partager ses connaissances et sa passion pour un métier qui se perd. « Il n’y a plus beaucoup de sculpteurs sur bois dans la région et la relève est loin d’être assurée.

Les jeunes ne s’orientent pas vers cette filière », regrette-t-il. Et pour vraiment déconnecter, il aime prendre de l’altitude en montagne pour randonner.

L’Orgue de Chartres bientôt marqué par ses mains

C’est un des chantiers les plus remarquables de sa vie. Marc Frohn a commencé à s’attaquer à l’orgue de la cathédrale Notre-Dame de Chartres. « Il y a des chantiers qui marquent plus que d’autres. Les buffets d’orgues sont des pièces d’exception qui en plus sont visibles de beaucoup de monde. En fin de carrière, je ne pouvais pas espérer mieux. C’est une reconnaissance de mon savoir-faire.»

L’orgue de Chartres a été construit dans les années 1350. Le buffet qui subsiste encore aujourd’hui date de 1546 et est classé par les Monuments historiques. « Je vais passer environ 500 heures sur ce buffet. Il faudra restaurer toutes les parties abîmées par le temps, rattraper les imperfections, les pièces manquantes aussi, les ornements qui sont cassés ou tombés. Il ne faudra pas distinguer la différence entre l’ancien et ma touche. » Le chantier, chiffré à 3 millions d’euros, va s’intensifier cet été. « Quand je vois la masse de travail que ça représente, ça me fait peur mais j’ai hâte de m’y mettre. » À coups de maillet et marteau, le sculpteur alsacien laissera sa touche sur l’instrument et une trace dans l’histoire.

Photos Cédric Joubert - DNA

19/02/2024 16:09
Par Admin
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